La complémentaire santé obligatoire en entreprise : Ne pas confondre droit du travail et droit de la protection sociale (risque prud’homal et risque URSSAF).
Au commencement, les partenaires sociaux créèrent la généralisation de la couverture complémentaire des frais de santé (ANI 11 janv. 2013, art. 1er). Le législateur vit que cela était bon. Le deuxième jour, il créa un nouveau droit pour la sécurisation des parcours et permit à tous les salariés de bénéficier d’une couverture collective à adhésion obligatoire (loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 rel. à la sécurisation de l’emploi). Et le législateur dit : que « l’employeur assure au minimum la moitié du financement de cette couverture » a minima – i.e. panier de soins – (C. sécu. soc., art. L. 911-7).
Les employeurs, qui ont lu le Livre neuvième de la loi, ont cru être en mesure de s’acquitter de cette nouvelle (énième) exigence sociale au 1er janvier 2016. Il n’en fut rien pour nombre d’entre eux.
L’incitation cédant le gros de sa place à une obligation assortie (pour les besoins de la cause) de toute une série d’aménagements, le législateur a fit germer mille et une difficultés d’application que les avocats conseils s’épuisent depuis lors à résoudre.
L’analyse et la prévention du risque ont été complexifiées. Il faut bien voir que, fondamentalement, la législation incitative se superpose désormais à une législation impérative. Concrètement, des salariés peuvent être dispensés d’adhérer au régime pendant que des employeurs peuvent être tenus de plus ou moins contribuer au financement de la couverture au regard de la qualité des assurés et des options choisies. Il importe donc à l’entreprise de gérer les cas de dispense et le financement de la protection sociale complémentaire. Puisse-t-elle alors être la plus diligente et la mieux assistée. À défaut, l’intéressée n’étant pas éligible aux exonérations de cotisations sociales, c’est un redressement qu’il lui importera de gérer. Il y a plus.
La méconnaissance du droit de la sécurité sociale rend l’employeur également justiciable de la juridiction prud’homale. Au vu de la complexification de la matière, les Urssaf, particulièrement attentives à l’observance de ces nouvelles obligations, avaient quelques espoirs de redressement ici et là. Une circulaire de la Direction de la sécurité sociale du 29 décembre 2015, adressée à la direction de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale est venue dire (fort heureusement) que l’obligation de généralisation de la couverture santé relevait du champ de compétences de l’administration du travail et du juge prud’homal, seuls autorisés à connaître des actes juridiques qui instituent ces couvertures. Le non-respect de la réglementation ANI est donc en théorie imperméable au pouvoir de contrôle des inspecteurs de l’Urssaf.
Pour ne prendre qu’un exemple, il n’est pas admis de stipuler, dans l’acte fondateur, que l’accès aux garanties est réservé aux salariés qui ont de l’ancienneté (12 mois – retraite et prévoyance. 6 mois – frais de santé). En revanche, ladite discrimination ne saurait interdire à l’employeur de prétendre aux exonérations sociales. Ceci pour dire que les inspecteurs chargés du recouvrement ne doivent braquer le projecteur que sur le respect des articles L. 241 et s. du Code de la sécurité sociale.
Comprenne qui pourra.
Nicolas Troussard
Avocat associé –
Cabinet Exceptio avocats
Julien Bourdoiseau
Conseil scientifique –
Cabinet Exceptio avocats